Papa .......
31 juillet 1956 ;c'était un mardi . La veille ,il faisait beau et très chaud ,et nous étions tous les trois cet après - midi - là ,dans le champ du Pas - Laurent occupés à terminer la moisson du blé . Toi ,ton chapeau de paille sur la tête et ton grand mouchoir à carreaux, noué en pointe autour de ton cou ,tu donnais les derniers coups de faux autour des haies ,pour récupérer tout ce que la machine n'avait pas pû faucher ( et oui dans les années 50 on ne gâchait pas ) . Pendant ce temps- là , maman son fichu noué derrière la nuque ,faisait les liens pour entourer les gerbes , et moi protégée par mon chapeau de toile , de mes petites mains d'enfant de 8 ans ,je ramassais ce que je pouvais d'épis ,pour les compléter.
De temps en temps nous allions nous asseoir ,pour nous reposer , à l'ombre sous le grand châtaigner ,qui nous donnait ses fruits pour l'hiver et nous buvions un coup pour étancher notre soif .
C'était un beau jour , et rien à ce moment -là ne laissait présager du drame qui allait se jouer le lendemain .!! car c'est ce jour-là ,qu'au petit matin sans même une lettre d'adieu , tu as choisi d'en finir avec la vie terrestre ,pour rejoindre la céleste .
Du soir au lendemain , tu nous as laissées désemparées ,avec chacune au coeur une blessure béante que ,même 54 années passées, ont eu du mal à cicatriser .
Certes maman a refait sa vie ,mais n'a pas été toujours heureuse . Moi j'ai construit la mienne ,du mieux que je pouvais en portant parfois la culpabilité de ton geste !!
Chaque année ,à chaque période de "métives " ( moisson en patois ) me revient en mémoire ,séquences après séquences , ces jours qui ont précédés et suivis ton décès .
Tout au long de ma vie d'adulte je me suis posée autant de questions , qui sont restées sans réponses , sur les raisons qui t'ont poussé à commettre l'irréparable . Aujourd'hui , parce qu'au cours de mon propre chemin ,j'ai du encaisser des coups durs , avec l'expérience et le recul et des témoignages de gens qui t'on connu ,je peux le comprendre.
Mais saches que ,si par moments la rage et la colère ,m'ont fait t'en vouloir , maintenant ce n'est plus le cas et je ne t'ai jamais jugé !
TU aurais eu 96 ans cette année , ton absence m'a manquée et me manque encore .
Je t'aime PAPA !!
ELVY